Aquablue #14 : fini, le manichéisme ?

En reprenant les commandes d’Aquablue, série SF créée par Olivier Vatine et Thierry Cailleteau il y a vingt-cinq ans, Régis Hautière et Reno se sont éloignés des derniers cycles, en procédant à  un véritable retour aux sources. L’occasion de retrouver un Nao concerné et sympathique, loin du connard body-buildé qu’il fut parfois, face à  des humains et natifs d’Aquablue loin d’être tout blancs ou tout noirs.

Cet avis contient des spoilers sur l’intrigue du volume.

Depuis la première tentative de colonisation d’Aquablue par la Texec avec l’appui des brigades Morgenstern, un traité empêche toute construction humaine sur les terres émergées de la belle planète. Pourtant, depuis que les humains ont découvert qu’Aquablue était le véritable berceau de l’humanité, les colons déboulent par wagons entiers, tandis que les consortiums misent désormais le paquet sur un tourisme de masse, en construisant de gigantesques vaisseaux-îles, prêts à  sillonner les océans. Une manière habile de contourner le traité, tout en réinvestissant massivement Aquablue.

Pourtant, ne comptez pas sur Nao pour prendre les armes et botter le cul à  tout ce beau monde. Le beau blond a mis au placard son costume de superguerrier, préférant jouer la carte de la conciliation, du dialogue, en participant au voyage inaugural du monumental Standard-Island, premier vaisseau mis à  l’eau, bientôt suivi par d’autres exemplaires encore plus imposants. Malgré le luxe dégoulinant et le cadre paradisiaque du bord, la tension est palpable, entre des natifs à  cran, ne sachant trop à  quelle sauce ils vont être cuisinés, et des humains plus retors et ambigus que jamais.

Bien sûr, lorsque des terroristes investissent le Standard-Island façon commando, on devine que des humains sont sans doute à  la manœuvre, vu la façon dont sont équipés les assaillants, connaissant par ailleurs les moindres recoins du bâtiment. Mais tout de même, c’est bien la première fois qu’on voit des salauds dans les deux camps, rompant avec l’habituel manichéisme, qui s’il passait sans trop de mal il y a plus de deux décennies, devenait complètement hors de propos aujourd’hui.

Côté dessin, Reno continue d’animer un monde organique et minéral presque palpable, tant la précision de son dessin et la finesse de la  modélisation de ses engins donnent vie à  ce magnifique univers comme jamais. La beauté des décors tranche d’autant plus avec la cruauté du propos, puisque Régis Hautière n’hésite pas à  déchaîner la violence dans cet épisode, sans doute l’un des plus tendus et pessimiste de la série. Choquante, la scène finale nous lâche en plein inconnu et risque fort, une nouvelle fois, d’abreuver les océans d’Aquablue de sang et de larmes.

Aquablue #14, Standard-Island, Reno, Régis Hautière, Delcourt, 13,95 euros, 23 octobre 2013. 

Images é Guy Delcourt Productions, Reno, Hautière.