Sans même entrer dans le vif du sujet, Bottomless Belly Button, roman graphique de Dash Shaw, en impose par ses mensurations : 720 pages, un dos de 5,5 cm sur lequel on trouve une foultitude d’infos, bref, une sacrée bête. Acclamé meilleure bande dessinée indépendante de l’année aux USA, le pavé édité par Fantagraphics arrive aux éditions à‡à et là pour 30 €, un an après la sortie du tout aussi imposant Château l’Attente.
Mais rien à voir ici avec de la fantasy médiévale, Bottomless Belly Button flirte du côté de la chronique sociale iconoclaste à travers les aventures de la famille Loony, qu’on croirait presque sortie d’un film de Wes Anderson, genre Famille Tenenbaum. Il faut dire qu’après 40 ans de mariage, les parents Loony annoncent leur divorce, et réunissent tout le monde dans la maison familiale. Fantaisie parmi d’autres, Peter, le cadet de la famille, apparaît la quasi-totalité du bouquin sous les traits d’une grenouille – même s’il nous a fallu un quart du livre pour comprendre que ses narines n’étaient pas ses yeux ! –, en écho à sa position de loser que ce soit sur le plan professionnel ou sentimental. Lui, comme les autres, va vivre un séjour riche en rebondissements tapant au cœur de ses complexes. À la fin, tous les personnages auront évolué de façon perceptible.
Varié et hétéroclite, tant sur les thèmes que sur le plan visuel, avec des mises en pages éclatées pour rythmer les différentes parties et de nombreux jeux graphiques avec des onomatopées d’ambiances « musique à fond » et de mouvements « emmêle », les 720 pages se lisent d’une traite. Pourtant, Bottomless Belly Button aura du mal à séduire ceux pour qui les histoires qui mènent en voyage dans la psyché des personnages ne font ni chaud ni froid. Reste qu’en la matière, grâce à ses trouvailles graphiques et à sa façon de traiter de façon simple les choses complexes, le roman graphique de Dash Shaw est ce qui s’est fait de mieux cette année !