Chàteau l’Attente de Linda Medley, ça valait le coup d’attendre

Beau livre aux allures de grimoire, Château l’Attente nous dévoile la vie de personnages hors du commun à  travers plus de 460 pages. Bestiaire de contes de fées, aventure et féminisme sont au menu de ce petit pavé réalisé par Linda Medley.

Paru il y a un an chez l’américain Fantagraphics sous sa forme reliée, le livre couronné par de nombreuses récompenses outre-Atlantique arrive en français aux éditions çà  et là . En plus d’une adaptation graphique et d’une fabrication réussie, dotée d’un lettrage ad hoc et de noirs profonds, la version francophone se paie le luxe d’un dos en simili-cuir bien plus élégant que le toilé de la version originale. Que ceux pour qui la forme n’a que peu d’importance se rassurent, l’univers de contes de fées développé par l’auteure est délicieux sur le fond.

À l’image du château qui jadis fut celui de la Belle au Bois Dormant, les personnages ont tous un passé plein de secrets et de péripéties. C’est le cas de Dame Jaine, la comtesse en fuite, ou de Paix, une bonne sœur peu catholique dont la jeunesse est divulguée à  travers 7 chapitres ! Même s’il s’agit d’un récit médiéval-fantastique, Linda Medley s’amuse à  glisser des dialogues tout ce qu’il y a de moderne, souvent gorgés d’humour et de reparties inattendues.

Un parti-pris féministe

Bourré d’anecdotes et de clins d’œil aux grands classiques du conte de fées, Château l’Attente s’en éloigne pourtant bien vite. Après quelques chapitres consacrés au réveil de la Belle, le récit souligne le côté ironique et cocasse d’un départ précipité qui la voit quitter château et amis pour épouser le premier prince venu. Une fois le château libéré de sa célébrité, la dessinatrice en fait le décor d’histoires originales, parfois développées sur de nombreux chapitres, comme la genèse de l’ordre des sollicitines. Tout en faisant preuve de variété, les récits ont en commun une sensibilité féministe qui ne verse jamais dans le militantisme. Violences conjugales, exploitation, intolérance sont quelques-uns des thèmes abordés dans ce volume tout en noir et blanc.

Du point de vue graphique, le style presque archaïque de la créatrice fait penser aux gravures et aux lettrines des vieux codex. Fourmillant de détails, il donne autant que le récit la sensation d’accéder à  un univers autonome qui, plutôt que d’être compromis par une énorme menace ou un super méchant, abrite des créatures magiques pleines de farce, des bandits de grand chemin en mal d’or ou un meunier aigri qui a le monopole de la fabrication de farine.

Réjouissant dans tous les domaines malgré quelques longueurs sur le dernier tiers, le livre très luxueux ne déçoit pas par son prix de vente, au plus grand bonheur des lecteurs fauchés. À 26 € il accomplit l’exploit d’être abordable sans rien sacrifier à  la qualité de fabrication. Bien que Château l’Attente jouisse d’une fin qui se suffit à  elle-même, le rendez-vous est pris avec deux autres volumes programmés pour 2009 et 2012. L’occasion d’en apprendre plus sur des personnages attachants, dont certains n’ont livré aucun de leurs secrets, et sur cet univers qui fait du livre de Linda Medley une des lectures hautement recommandables de cette année.


Les extraits sont é Linda Medley,
é çà  et là  pour la version française. Les photos sont é Wart. Aucun exemplaire de Château l’Attente n’a souffert durant la prise photo.

  1. Lu, apprécié mais ô combien déçu par la fin. Beaucoup de personnages n’ont pas été exploités et le long récit de l’un d’eux nous éloigne trop du chà¢teau en tant que tel, de son histoire et de son devenir. Sans que ce soit un hors-sujet, on dévie trop des questions que l’on se pose tout au long de notre lecture.

    J’espère qu’il y aura une suite car c’est un bouquin vraiment sympathique et qui occupe pas mal de soirées !

    D’sé

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