Découverte morbide en Belgique, diffusion puritaine aux Etats-Unis, interdictions en Chine : plus qu’un carnet, c’est un pavé de faits divers étonnants qui noircissent les pages du manga Death Note, la série créée par Ohba et Obata.
Le phénomène Death Note n’en est qu’à ses balbutiements en Europe alors qu’il a depuis longtemps conquis l’Asie. Un huitième tome à paraitre aux éditions Kana, des produits dérivés funs en boutique, des adaptations cinématographiques diffusées dans nos salles et une projection dédiée lors du festival d’Angoulême, voilà les dernières bonnes nouvelles depuis le fait divers sordide qui a ensanglanté la Belgique en septembre dernier.
Deux cuisses et un tronc humain étaient découverts dans un parc en banlieue bruxelloise accompagnés de deux notes évoquant probablement le manga avec le message « Watashi wa Kira dess », comprenez « Je suis Kira ». Il n’en fallait pas moins à la presse pour attribuer la trouvaille à un hypothétique « tueur au manga », bien qu’il ne soit jamais question de charcuterie dans Death Note, où le héros tue en écrivant dans un carnet le nom d’une personne qui meurt généralement 40 secondes plus tard d’une crise cardiaque.
Alors ? Un passionné psychopathe attardé ayant modifié le procédé pour liquider un criminel ? Un serial-killer cherchant de nouvelles inspirations ou plus simplement une blague potache d’étudiants en médecine ? A l’heure actuelle, aucune réponse n’a été rapportée par les autorités et la presse locale…
Au même moment aux Etats-Unis, Viz Media, détenteur de la version animée, publiait un communiqué étonnant. Le 20 octobre, le premier épisode de Death Note est diffusé à minuit sur la chaine Adult Swim. Un créneau habitué au porno, à la branlette intellectuelle ou à la chasse traditionnelle.
Chinons l’interdit
Mais si l’occident découvre les joies de la polémique autour de Death Note, la Chine est sans conteste la championne en la matière avec un rebondissement toutes les deux semaines en ce qui concerne la série de bande dessinée. 18 ans après les massacres de la place Tien’anmen, le contrôle d’une culture étrangère reste donc d’actualité dans l’empire du milieu, bien que l’impact médiatique reste bien moindre que l’affaire de la censure sur Google. Au pays organisateur des prochains jeux Olympiques, la position des autorités est bien simple : Death Note est une œuvre diabolique, nuisible pour la jeunesse de la République Populaire.
Tout démarre en 2005 lorsque plusieurs établissements scolaires de Shenyang bannissent l’usage de tout cahier similaire à celui de la série pour éviter des envies de meurtres. Death Note refait surface le 20 mars 2007 avec la confiscation du manga à des élèves d’une école de Wuhan. Le 10 mai dernier, l’affaire prend de l’ampleur avec un reportage diffusé sur China Central Television, expliquant que des enfants ont cherché à tuer des gens en appliquant la théorie du carnet à Nanning.
Le 30 mai, on nage en plein revival de l’affaire Ring (1999) lorsqu’un étudiant endosse le rôle du shinigami Ryûku en téléphonant aux autorités de Lanzhou en guise de mécontentement pour une nouvelle confiscation du manga dans les librairies de la ville. Les responsables municipaux s’étonnent de telles menaces pour un simple bouquin alors qu’il a déjà fait bien pire sans lever de protestation. Les parents sont alors sollicités pour protéger leur enfant de cette série.
En plein zèle, les douanes ont saisi en juin une cargaison de 6000 exemplaires. Additionnés aux 1300 CD, DVD et autres produits liés à la série, l’État chinois a ainsi récupéré plus de 12.000 de ces « horreurs illégales » en quelques jours.
Et la Shueisha ? L’éditeur nippon se lave les mains sur ce qui peut bien se tramer dans un pays où le piratage est roi.
Au bout du compte, si la guerre a beau lui être déclarée, Death Note n’a pas fini de faire couler son encre… ni en Chine, ni chez nous, où certains forums consacrés à la série abritent des débats sans fin sur la légitimité ou non de condamner par la peine de mort n’importe quel voleur ou criminel. Voilà un bon sujet pour le prochain BAC de philo.
D’sé
Les images sont é Tsugumi OHBA, Takeshi OBATA, Shueisha Inc.
Le dessin est réalisé par MarieVoyelle, pour Wart.