Des lectures en septembre (1)

SUPER SPY

C’est la Seconde Guerre mondiale ! De toutes parts, les espions agissent dans l’ombre. C’est à  leurs missions, leur quotidien, que s’intéresse ce roman graphique découpé en dossiers, mélangés dans un désordre voulu par l’auteur. Chacune de ces histoires courtes est indépendante, liée à  l’ensemble par une opération, un projet ou – le plus souvent – un personnage communs. Si question dessin, Super Spy n’impressionne pas, le propos, nourri d’anecdotes véridiques, comme l’usage de planches originales d’un dessinateur pour faire passer des messages codés, et les ambiances dues à  une superbe mise en couleur, fait de ce petit pavé, aux allures de carnet usé, une bible pour les amateurs d’espionnage.
En deux mots : Les contes de la cryptique
De Matt Kindt, aux éditions Futuropolis – 336 pages – 23 €

LA RÉSISTANCE DU SANGLIER

Comment donner chair à  une histoire sur la Seconde Guerre mondiale, quand tant d’auteurs, l’ont déjà  fait avec brio ? Pour ce récit issu du réel, Stéphane Levallois a choisi de donner les traits d’un sanglier à  son grand-père. Résistant engagé, l’homme commence par aider des amis à  fuir le STO, puis aide des juifs à  quitter le village et va jusqu’à  cacher des armes sous ses plans de salade. Avec un graphisme noir et blanc puissant et enlevé, La Résistance du sanglier prend aux tripes, jusqu’à  faire frissonner lors des dernières pages du récit.
En deux mots : Ma(o)us costaud.
De Stéphane Levallois, aux éditions Futuropolis – 118 pages – 23 €

SKIM

Non, Skim n’est pas un manga. Certes le métissage graphique est indéniable, mais c’est à  une Américaine et à  un Canadien de la même famille que l’on doit ce faux journal intime d’une lycéenne enrobée. On savoure la « voix off » de Skim tout au long du bouquin, autant que les dialogues délicieux au sujet d’un look, d’une assistante sociale, ou du suicide d’un des garçons les mieux intégrés de l’établissement. Sorti sans prévenir dans la collection Écritures de Casterman, Skim est une vraie petite surprise, fraîche et subtile, qui n’aura pas de mal à  transporter les amateurs de fictions bâties à  l’aide de sentiments et de banalités du quotidien.
En deux mots : Journal intime
De Jillian et Mariko Tamaki, aux éditions Casterman – 139 pages – 13,50 €

MAIL T1

Avec sa couverture tout en pixel, le manga Mail a de quoi intriguer. Signé par Housui Yamazaki, déjà  dessinateur de la série Kurosagi livraison de cadavres également publiée dans la collection Senpai de Pika, le récit suit les pas d’Akiba un détective privé, muni d’un énigmatique pistolet, spécialisé dans les affaires de fantômes. L’auteur continue ici d’explorer le fantastique contemporain au Japon avec un vrai savoir-faire et des ectoplasmes inquiétants. Sans révolutionner le genre, les histoires courtes proposées se révèlent efficaces en diable.
En deux mots :
Bang bang.
De Housui Yamazaki, aux éditions Pika, 194 pages – 7,90 €

MINIK

Grave et riche en émotion, l’aventure de ces Esquimaux arrachés à  leurs terres pour être trimbalés comme des potiches au pays de « la civilisation » est une ode à  l’humanité dans ce qu’elle a de plus immoral. Forcément, quand Minik tombe sur la dépouille de son père, exposé au musée, rayon « indigène », on comprend la peur et la révolte du petit. Une horreur mise en image avec brio par un Hippolyte en grande forme et un Marazano qui met en scène ce qui fait le plus mal dans cette histoire authentique. À déconseiller à  ceux qui n’en peuvent plus de la folie des Hommes.
En deux mots : Indigènes.
D’Hippolyte & Marazano aux éditions Dupuis – 64 pages – 14 €

LE DIEU DES CENDRES T1

Nommé Luchtigern, le premier tome de la série Le Dieu des cendres remplit sans ambages sa fonction de distraction aux accents fantastiques made in Soleil. Située au XVIIe siècle en Irlande, l’histoire révèle le long d’une longue confession la nature propre de Jack Bolton, un peintre anglais enrôlé contre sa volonté dans l’armée de Sa Majesté et porteur d’une lourde malédiction. Si le scénario de François Debois et le dessin d’Aja ne sont pas sans défaut, l’ambiance et les enjeux dépeints ici aiguisent la curiosité et offrent un récit sachant explorer des aspects originaux de la culture celtique.
En deux mots : Maudits rats.
De Debois & Aja, aux éditions Soleil, 46 pages – 12,90 €

NEVERLAND

Réussi de bout en bout, Neverland dresse une critique sévère et violente de la société de consommation, engluée dans un environnement colonisé par la publicité. Si les dessins frais et colorés suggèrent une aventure sympa, c’est tout le contraire qui est raconté dans l’album. De situations cocasses et disjonctées, le récit glisse rapidement vers le glauque. On pense au tabassage à  mort d’un enfant ou à  la pendaison d’une mère de famille… Cette montée inattendue d’une violence crue et insoutenable marque un contraste fort avec les dessins mignons de Nicolas Sure. Une rupture visuelle finalement plus forte que celle du propos.
En deux mots :
Publicité non contractuelle.
De Piatzszek & Sure, aux éditions Quadrants, 48 pages – 9,90 €

FONTAINEBLEAU

Imaginée et suivie par Christophe Bec, la collection Hanté des éditions Soleil a pour vocation de présenter des lieux maudits où spectres et autres malédictions s’en donnent à  cœur joie. Avec Fontainebleau, le dessinateur de Sanctuaire passe de la théorie à  la pratique et signe le scénario d’un des premiers titres de ce label. Si sur le papier l’album avait tout pour être considéré comme le maître étalon de cette nouvelle entreprise, il faut espérer que dans les faits il n’en soit rien. Illustrée dans un style réaliste-figé par Alessandro Bocci, l’histoire ne décolle jamais, use de gros artifices et ne distille aucun frisson… Dommage.
En deux mots : Même pas peur.
De Bec & Bocci aux éditions Soleil, 44 pages – 12,90 €

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