à‡a bastonne sec dans la rédaction entre ceux qui trouvent qu’Heroes s’impose comme un des meilleurs shows de l’année et ceux qui n’y voient qu’une énième série sans surprise. Au-delà des points de vue, l’audience sur TF1 n’a pas été au rendez-vous, très en deçà des attentes de la chaîne. Nous avons cherché à connaître les causes de cet échec, partant du principe que la série de Tim Kring mérite son succès outre-Atlantique.
Annoncée comme l’événement de l’été sur TF1, Heroes fait sa sortie par la petite porte, les bruits de couloir rapportant même qu’il est peu probable de retrouver la saison 2 en prime time l’an prochain. Habituée à des soirées oscillant entre 6 et 8 millions de spectateurs, la chaîne a difficilement dépassé la barre des 4 millions tout l’été, régulièrement battue par Fort Boyard sur France2. Comment expliquer une telle déconvenue ? Pourquoi le père Fouras a-t-il tatanné les super héros de ce casting ? Internet est-il responsable ? TF1 a-t-elle sabordé le show toute seule ? Wart livre son point de vue sur les résultats en demi-teinte de l’ex-série événement en France.
Le piège du format feuilleton
Ce n’est pourtant pas la première fois que TF1 diffuse une série où plusieurs épisodes se suivent en prime time. La chaîne a tenté l’expérience avec succès lors de la diffusion en 2005 de Lost, première série US événement à bénéficier d’un traitement de star, sur la première chaîne francophone. À la façon d’un Loft Story, l’effet de curiosité avait battu son plein, gavant TF1 d’audimat, avant de s’effondrer lors de la saison 2, pour reléguer la troisième en deuxième partie de soirée cette année.
Si Lost est bel et bien une série feuilleton, une différence de taille est à apprécier avec Heroes, dont la densité d’intrigue n’a rien à voir. Là où il était relativement simple de rater quelques épisodes des disparus avec des réponses aux mystères distillés au compte goutte, l’opération se révèle périlleuse avec la série créée par Tim Kring, où rater un seul épisode suffit à perdre le fil de l’histoire. Et comme aucune rediffusion n’est à signaler, nombreux sont les téléspectateurs à avoir lâché la série à cause d’une soirée barbecue.
Saturday night fever !
Si l’occasion de faire des grillades ne s’est pas souvent présentée avec cet été pluvieux, toutes les autres activités nocturnes prisées par le jeune public ont suffi à flinguer les audiences. La case du samedi estival est difficile, encore plus quand la première chaîne tente la diffusion d’une série résolument fantastique, bien éloignée de ses standards habituels. La fameuse ménagère de moins de 50 ans, généralement peu sensible à la culture comics et aux effets spéciaux, aura finalement préféré les courses poursuites effrénées de Passe-partout en Charente-Maritime. Loin de la culture TF1, l’aspect super héros du show aurait été mieux accueilli sur M6, habituée à la pop culture américaine, comme l’ont prouvé les réussites de Smallville et des 4400. Passés tous ces problèmes, Heroes a souffert d’un retour de buzz franchement négatif de la part des internautes qui l’avaient initialement portée aux nues. En cause, la version française minée par un générique grotesque, un casting voix controversé et des coupes dans les scènes les plus crues. Soit les éléments parfaits pour achever une série en mal d’audimat.
Ils ont volé notre série, pirates !
Heroes a su se développer avec Internet en l’utilisant pour propager nombre de ses vrai-faux sites, dont les blogs de personnages, ou en publiant chaque semaine, sur le site de la chaîne NBC, des comics inédits à lire gratuitement. Accaparée par les internautes, la série devient, malgré le nombre de chaînes détentrices des droits, une des plus téléchargées au monde. Sans jamais avoir été diffusée ailleurs qu’aux États-Unis, on parle de Heroes, non seulement sur Internet, mais aussi dans la presse spécialisée qui y consacre dossiers et guides d’épisodes. Certains acteurs s’en amusent et confient leur expérience à l’étranger, tel Greg Grunberg alias Matt Parkman, le flic télépathe. En vacances à Paris avec sa femme, il raconte comment des fans l’ont reconnu et interpellé dans la rue, alors que TF1 n’avait pas encore diffusé le moindre épisode du show.
Si les internautes ont fait d’Heroes la coqueluche du web, ils sont aussi responsables du sévère retour de bâton adressé à la version française. Le buzz négatif commence avec la critique acerbe et justifiée du générique français mielleux qui, en plus de ruiner l’ambiance et le climat si particuliers du jingle d’origine, donne l’affreuse sensation de regarder un Plus belle la vie, version X-men. Un point de détail, assurément, mais qui prend du poids couplé au doublage français franchement moyen. Malgré l’effort de TF1 de proposer la version originale sous-titrée sur son canal TNT, l’absence d’accent de certains doubleurs et leur manque d’incarnation des personnages ont très vite été critiqués par les utilisateurs de forums. Cet aspect de la version française aurait sans doute eu un impact négligeable si ne s’était pas ajoutée une censure de nombreuses scènes décidée par TF1.
La censure ou la TF1 touch cut’
Passée la première diffusion, suivie par presque 6 millions de spectateurs, la colère des internautes s’est déchaînée, pointant du doigt les coupes de TF1 de certaines scènes, certes violentes, mais qui comptent énormément dans le ton et l’aspect visuel d’Heroes. Dénaturée de ses ambitions visuelles, la série a vu une partie de son public se rabattre sur une solution moins légale, mais très accessible, à commencer par les épisodes sous-titrés sur Dailymotion, le Youtube français. À quoi bon diffuser une série au succès exceptionnel outre-atlantique, si c’est pour la censurer et lui ôter une partie de son ton lors de sa diffusion ? La fuite exponentielle des téléspectateurs s’expliquerait en partie par ce phénomène, ces petits arrangements propres à notre pays donnant bout à bout une version singulière d’Heroes, où le voile mystérieux inhérent à la version originale se trouve déchiré.
La fin de la grâce des séries US ?
Avec d’un côté des handicaps purement formels et de l’autre une censure malvenue, Heroes finit cul-de-jatte, sapé dans sa moelle par des spécificités françaises. Il ne faut pas non plus exclure la baisse d’audience significative sur nombre de séries américaines. Importées à outrance, les séries sont parvenues à doper l’audience des grandes chaînes françaises pendant plusieurs années, jusqu’à montrer des signes de faiblesse au cours des derniers mois. Médiamétrie a relevé de grosses chutes d’audience sur ces programmes, qui indiquent une fuite des téléspectateurs de leur petit écran. Ni Cold Case, ni les Experts ne sont épargnés par cette dégringolade. Plus qu’un phénomène propre à Heroes, nous tenons peut-être là les balbutiements de la fin d’un état de grâce propre aux séries américaines.
JK