Interview : Serge Ewenczyk, directeur de la collection PEPS

Serge Ewenczyk bonjour, qu’est-ce qui a motivé la création d’une collection comme Peps ?
Serge Ewenczyk :
Bonjour, l’idée de la création de cette collection est venue en constatant la faiblesse de l’offre éditoriale spécifiquement pour ados, et notamment pour les filles. Le succès du manga en est le signe flagrant : avant l’arrivée du shôjo, très peu de lectrices s’intéressaient à  la BD passé l’âge de 10 ans. Albin Michel Jeunesse, déjà  éditeur de livres pour ados, m’a donc demandé de concocter un label de BD s’adressant à  ce lectorat et je leur ai proposé de bâtir Peps autour de titres en provenance des Etats-Unis. En effet, si les auteurs et éditeurs français abordent peu souvent des thématiques intéressantes pour les adolescents, les Américains sont eux depuis quelques temps très actifs dans ce domaine, dans un registre qui intéressait Albin Michel Jeunesse, celui du roman graphique, et avec un talent et un savoir faire indéniables.

Face à  la surproduction actuelle, vous avez choisi un format particulier, ni comics, ni manga. Un pari audacieux. Comment pensez-vous tirer votre épingle du jeu ?
SE :
L’idée est de proposer une alternative au manga, avec des récits complets et des séries. Je pense que, pour l’instant, cette ligne éditoriale est assez originale et que cela pourra intéresser les lecteurs qui lisent du manga « par défaut » (parce qu’il n’y a rien d’autre d’intéressant pour eux). En ce qui concerne la ligne éditoriale de Peps, ce qui m’intéresse avant tout c’est de pouvoir proposer des titres qui mettent en avant des filles qui ont la pêche et aussi éloignées que possible des minauderies ultra sentimentales que l’on peut trouver dans la majorité des shôjos. Par ailleurs, même si tous les premiers titres de Peps ont pour vedette des héroïnes, ces histoires peuvent évidemment plaire aux garçons, l’idée n’étant pas de créer un collection/ghetto uniquement pour filles… En ce qui concerne le format, nous avons choisi d’éditer chaque titre avec une couverture souple, des récits de 100 à  200 pages, avec des prix les plus doux possible (pour l’instant de 7 à  9 euros, et plutôt autour de 6 euros pour les séries qui seront lancées en 2007). Je pense que le marché de la BD va rapidement évoluer vers ce type de format qui correspond plus aux attentes des lecteurs que le sempiternel album 48 pages (à  11 ou 12 euros).

On l’a récemment vu avec des initiatives comme 32, Lucha Libre, ou avec des formats comme les rééditions poche de Corto Maltese, les libraires ont parfois du mal à  placer les titres en rayon. Côté indé, côté comics, avec les magazines, etc. Avez-vous rencontré le même problème ? Selon vous à  quelle place doit-on trouver des albums Peps en librairie ?
SE :
Effectivement c’est un problème qui se pose de manière flagrante, notamment dans les Fnac et Virgin qui ont une répartition très rigide des titres dans les rayons. Ainsi, en ce qui concerne les Fnac, la collection est classée dans les « labels » (les indépendants)… Les libraires généralistes et la plupart des spécialisés BD ont moins de soucis avec ces nouveaux formats car ils ont déjà  une grande variété de livres (ou de produits pour les spécialisés BD). Ceci dit, il est évident que la structure des rayons BD va être assez rapidement amenée à  évoluer pour intégrer ces nouveaux formats. Je pense par exemple que l’arrivée de tous les mangas non japonais (coréens, chinois, indiens, sans parler de ceux réalisés par des auteurs français, allemands ou américains) va obliger un jour ou l’autre les Fnac à  avoir un rayon spécifique pour ces titres. En ce qui concerne le franco-belge, la plupart des éditeurs lancent actuellement des collections soit réduisant le format, soit passant du cartonné au broché et il faudra bien trouver une place pour tous ces ouvrages…

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les titres à  paraître en 2007 ?
SE :
En 2007, nous continuerons à  alterner récits complets et séries au rythme d’environ 2 sorties par trimestre. Avec notamment, parmi les récits complets, le très beau roman graphique de Hope Larson (une jeune dessinatrice américaine): Grey Horses. Le gros lancement de début 2007 sera la publication de la série Degrassi, adaptée de la série télé homonyme (qui est une suite de la célèbre série canadienne Les Années collège, véritable phénomène de société et diffusée dans 70 pays, dont la France, depuis plus de 20 ans). La particularité de la série télé, qui est une sorte d’anti-Hélène et les garçons, est d’aborder des thèmes qui concernent réellement les ados (anorexie, scarification, harcèlement sexuel), avec retenue et sans complaisance. Nous publierons le premier volume de cette série en février 2007 puis 3 autres volumes dans le courant de l’année.

Propos recueillis par JK