Nouveau label des éditions Casterman, KSTR veut être à la bande dessinée ce que le rock est à la musique. Une ambition énorme, des atouts certains et, à l’inverse des très grands formats souples de la collection 32 de Futuropolis, ce sont de petits formats à peine plus grands qu’un « Écriture », un poil plus petits qu’un comics-book, qui sont privilégiés.
Depuis le temps que l’on en entend parler, l’impatience se mêlait parfois aux doutes, personne n’étant à l’abri d’une vilaine surprise, d’une profonde déception souvent de rigueur lorsqu’on attend beaucoup d’un concept ou d’une structure.
Lors du festival d’Angoulême, impossible de ne pas remarquer le petit stand bordélique KSTR avec son logo géant, ses écrans plasma ou le concert de l’orchestre préhistorique d’Arnaud le Gouëfflec qui a même agacé quelques barbons bougons. Sur le papier et en live, c’était bon signe, restait plus qu’à savoir si les bouquins étaient à la mesure de notre attente. Missing, Angle mort, Elle(s), Regards croisés, des titres différents que ce soit graphiquement ou thématiquement, avec une enquête digne d’un épisode de série télé pour le livre de Will Argunas, un polar noir en vue subjective pour celui de Pascale Fonteneau et Olivier Balez, une tranche de vie fraiche et jeune pour le KSTR de Bastien Vives et la vie de plusieurs habitants d’un immeuble autour d’un drame pour Regards Croisés de Gilles Aris et Thomas Cadène.
Le retour à la BD rock ?
Avec son logo, son site, et la promo entretenue autour du label, KSTR a énormément mis en avant son aspect rock n’roll. La question que l’on se pose, c’est est-ce qu’à la lecture on a le sentiment de se plonger dans de la BD rock, telles les histoires parues dans le magazine Métal Hurlant ? Soyons clair, la déception sera au rendez-vous si l’on s’attend à des récits hard boiled, plutôt baroques ou sous acides. Cela étant dit, les quatre bouquins sont excellents avec un petit avantage pour Angle mort, un polar qui en plus de son parti pris original – une aventure en vue subjective – explose le regard avec ses choix graphiques étonnants, mêlés aux gammes de couleurs tantôt froides, tantôt chaudes dans les ruelles et clubs d’une Bruxelles crépusculaire. Quelque chose de radicalement différent du côté des planches à l’aspect vif et rought de Missing, lui-même très loin d’un Elle(s) au dessin rond, ultra glamour.
S’il ne semble pas partager une vision rock telle que l’a définie l’époque Métal hurlant, KSTR rassemble des récits divers, singuliers, ayant pour point commun une pagination éclatée de 112 à plus de 150 pages, des choix esthétiques loin des sentiers battus pour un prix ultra accessible de 10€. Pas de côté cheap, les bouquins se payent même le luxe d’un vernis sélectif et de rabats en couverture en plus d’un papier mat sexy.
Ce qui ne le fait pas
Alors oui, on a beau être ultra séduit par les premiers KSTR, tout ne semble pas parfaitement au point. Contrepartie du papier mat, il semble que la luminosité des couleurs en prenne un coup. C’est surtout le cas sur Elle(s) où certaines planches manquent de contraste et de pêche. La reliure nous a également semblé un poil juste, du genre à craquer quand on a trop tendance à tourner les pages. Mais rien de dramatique tant l’enthousiasme provoqué par les bouquins supplante ces quelques doutes, qu’il a fallu chercher loin pour nuancer notre avis !
Au bout du compte, pas de revival rock des années Métal, mais l’initiative la plus excitante du paysage éditorial depuis la collection 32. Pour tous les goûts et à pas cher, on voit mal ce qui pourra miner la réussite des KSTR, n’en déplaise aux gardiens du temple de l’album cartonné.
JK
10€ par livres. En librairie le 15 mai aux éditions KSTR (Casterman)
Les photos sont é Wart.
Les visuels sont é Casterman 2007.