Lamazou expose ses femmes au Musée de l’Homme

Est-ce parce qu’en anglais les bateaux se conjuguent au féminin que Titouan Lamazou a choisi les femmes pour sujet de son expo ?
Avant d’être célébré pour l’audace de ses carnets de voyages, Lamazou a connu les feux de la rampe pour ses exploits maritimes. Vainqueur en 1990 du tout premier Vendée Globe, la course nautique autour du monde en solitaire et sans escale, vainqueur d’une Route du Rhum et équipier de Tabarly sur Pen Duick VI, le bonhomme a le pedigree parfait pour squatter durablement la Une du site de Thalassa… et celle de Wartmag ! Puisque l’élégant skipper a lâché son sextant au profit de ses pinceaux dès 1993, après le naufrage controversé de Tag Heuer, son immense goélette de course.

Ses nouvelles figures de proue sont des femmes de tous les continents dont Lamazou figure les prouesses avec acuité et tendresse. Comme Blessing, cette jeune Nigériane croisée au nord de la Mauritanie. Échouée à  Nouadhibou après un périple éprouvant à  travers le Sénégal, le Mali, l’Algérie, elle révèle sobrement comment elle prévoyait de passer en Europe. Espoir noyé sur les côtes marocaines où elle restera cloîtrée avant de virer vent debout et prendre la route du retour. En posant pour Lamazou, Blessing – tout au moins son image – a finalement traversé la Méditerranée pour trôner dans une expo parisienne. Et quelle expo ! Des centaines d’originaux, gouaches écarlates, photos géantes, collages, croquis… autant de visages qui illuminent l’immense Musée de l’Homme. Blessing y côtoie les fossiles de Lucy, Éthiopienne de l’aube de l’humanité, les pinceaux de Daisy, pimpante militante américaine, les fantômes de Dayu, princesse Indonésienne ou encore la poitrine sculpturale d’une poupée sexuelle américaine. Au final, près de 200 portraits constituent les escales d’un périple idéal autour d’un gynécée planétaire. Il n’y manquait qu’un membre du gouvernement. Lacune comblée lors du vernissage en grande pompe (mécénat L’Oréal oblige) avec la visite de Rama Yade. Notre féline Secrétaire d’État semblait sortie tout droit d’une gouache de Lamazou.

L’artiste n’a peut-être pas la dextérité d’un Jean Giraud dans le maniement du pinceau, sans doute n’a-t-il pas l’œil d’un Sebastià£o Salgado dans le cadrage photographique, ni la précision d’un Joseph Kessel dans le verbe. Il envie peut-être la justesse du coup de crayon d’un Marin-Marie. Mais Lamazou a autre chose : un peu des talents de tous ceux-là  qui, cumulés, forment un talent unique et inédit. Il croque, photographie, filme, interroge. Et surtout reprend son ouvrage, peint d’après les photos qu’il projette sur des feuilles, ajuste allègrement ses couleurs, dessine sur des étoffes, cale minutieusement une multitude de photos pour créer des tableaux aux perspectives redressées. La force de l’auteur réside dans sa pugnacité. Pour nous faire partager ses rencontres et ses émotions, tous les moyens sont bons. Aucun média ne suffit à  Lamazou, il les lui faut tous. Qu’on les lui laisse !

Zoé-Zoé , femmes du monde. Exposition Titouan Lamazou au Musée de l’Homme de Paris (7, place du Trocadéro, Paris) jusqu’au 30 mars 2008.
Catalogue de l’exposition : 245 x 315 mm, 368 pages : 39 € aux éditions Gallimard.
Version coffret luxe (pour les nababs) : 360 x 280 mm, 992 pages : 160 € toujours chez Gallimard.


Les images sont é Titouan Lamazou.