Ce n’est pas parce que Bastien Vivès a la « grâce »Â qu’il n’ose pas prendre de risques avec des projets barrés tels Les Melons de la colère ou ambitieux comme Lastman, série noir et blanc en petit format souple pilotée aux côtés de Balak et Michaël Sanlaville. Le premier tome vient de paraître au sein du label KSTR des éditions Casterman.
C’est simple, les auteurs ont mis leur sens de la mise en scène et leur goût pour des expressions justes au service d’un shonen à la française. Pas étonnant que ce premier volume ait une saveur de déjà -vu, puisqu’on y découvre tous les ingrédients du genre, avec un jeune étudiant en arts martiaux qui doit faire ses preuves, élevé par une mère célibataire protectrice, vite confrontée à Richard Aldana, montagne de muscle prête à chambouler le quotidien de la petite famille. Pas d’inquiétude, on ne s’ennuie pas un instant dans ce premier tome où la tension des combats s’efface presque derrière celle entre la mère d’Adrian et le colosse Richard. D’ailleurs, comment ce type à l’allure des plus contemporaines et au style de combat bien à lui s’est-il retrouvé dans un monde au cachet médiéval ? On devine que derrière cet épisode se tient en embuscade un projet riche en surprises, comme les bons shonen en ont le secret.
Si le fond est soigné, la forme n’est pas en reste puisque chaque tome est accompagné d’autocollants, mais aussi d’une édition collector sous blister – on y trouve un décalcomanie supplémentaire, et une jaquette de couleur. Un jeu vidéo est également en cours de développement et on rêve de figurines pour accompagner l’ensemble. Quant au making-of en quatre parties du premier tome, avec une actrice porno japonaise en guest-star on ne peut plus habillée, il atomise sans pitié les habituelles et déprimantes bandes-annonces animées d’albums BD. à‡a peut paraître accessoire, voire anecdotique, mais ça fout quand même la patate, à l’heure où le marché de la BD s’enfonce dans la tristitude et évite tout projet un peu risqué. Lastman, vu la conjoncture, fait figure d’exception et nous change des tonnes de BD qui usent et abusent des ingrédients magiques, à savoir nazis, lesbiennes, avions et franc-maçons – vous étonnez pas si déboule un de ces jours une série avec une aviatrice nazie homo qui tue des francs-maçons.
En bon ronchons que nous sommes, on ne peut que chouiner face au prix de vente de Lastman – 12,50 euros –, drôlement élevé pour une œuvre qui pourrait enfin ramener de jeunes lecteurs de One Piece ou Naruto vers une bande dessinée made in France. Pas sûr que les gamins hésitent longtemps entre un shonen quelconque et un Lastman presque deux fois plus cher. Heureusement pour les fauchés l’intégralité de chaque volume est prépubliée – faut donc attendre le tome 2, à partir de mai – sur Delitoon, pour moins cher que gratuit !
Lastman #1, Bastien Vivès, Michaël Sanlaville & Balak, KSTR, 12,50 €, dispo.
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é Vivès, Sanlaville, Balak, KSTR.
L’info coup de savate de Miyagi
“ J’ai bien vu ici et là quelques lecteurs et auteurs faire un parallèle entre Lastman et Fausse Garde, le bel album de Merwan riche en combats et à l’insolente mise en scène. Faut-il s’étonner que deux œuvres qui puisent dans les codes du shonen aient des similitudes ? Je ne crois pas. Mon indic me fait d’ailleurs remarquer qu’il y a quelque chose d’engagé et de politique dans Fausse Garde, là où Lastman tape davantage dans le buddy movie. Bref, avant de porter un jugement un peu rapide, lisez les deux et mangez des bols de ramen.