Les 100 meilleures BD de tous les temps

Depuis quelques jours en kiosque, les inrockuptibles proposent leur classement des 100 bandes dessinées indispensables, à  travers un numéro hors série vendu 6,90 €.

Si l’essentiel de la sélection fait la part belle à  la BD d’avant-garde, on trouve des œuvres mainstream comme Hellboy, Donjon, Blake & Mortimer ou Spirou dans le haut du classement. Côté podium, Tintin et les Bijoux de la Castafiore occupent la troisième place, Maus d’Art Spiegelman la deuxième, alors que Jimmy Corrigan de Chris Ware est élu meilleur album de tous les temps par le magazine, ou plutôt par Joseph Ghosn, qui signe à  lui seul trois quarts des chroniques du numéro.


Jimmy Corrigan, meilleure BD de tous les temps selon les Inrocks é Chris Ware.

  1. Ce genre de palmarès a toujours quelque chose d’attirant et d’irritant à  la fois. Attirant, parce qu’il donne des coups de projecteurs sur des oeuvres inconnues ou à  côté desquelles on a pu passer. Il y a aussi la curiosité de voir si on y retrouve son panthéon personnel. Mais irritant, parce que, même si comme le dit l’édito, le choix est subjectif, ce n’est pas une explication intellectuellement satisafaisante pour justifier l’absence de certains auteurs, qui, objectivement, devaient avoir une place dans ce classement. J’entends, par objectivement, des critères de choix qui relèvent de l’influence (qu’on aime ou pas) et de la place tenues par ces auteurs dans l’histoire de la BD. De fait, l’absence de critères, la totale subectivité (on a l’impression que le choix a été bà¢clé) qui vont de pair avec des articles très superficiels dans les analyses des oeuvres proposées n’apportent rien à  la BD et à  se reconnaissance en tant qu’art majeur. En même temps, je fais partie de ceux qui pensent que si en France, la BD se porte bien et que c’est là  que ça se passe – contrairement à  un cinéma moribond et une littérature essoufflée, c’est parce que la BD échappe à  l’intérêt des élites culturelles, universitaires et que donc elle n’est pas un objet de distinction sociale via un marquage culturel (pour combien de temps encore ?). Bref :proposer une fiche de 100 bd indispensables, pourquoi pas ? Mais à  quoi rime d’établir un classement ? Cette manie scolaire d’établir des palmarès… Pourquoi en première place, Jimmy Corrigan plus que Maus ou les Bijoux de la Castafiore ? Sur quels critères ? En terme d’influence, celle d’Hergé n’est elle pas plus importante que celle de Chris Ware ? Présenter ce classement par ordre alphabétique des oeuvres ou des auteurs auraient été déjà  plus juste et satisfaisant intellectuellement. Et puis, ajouter que ce classement n’était que des indispensables parmi d’autres…
    Car certaines absences sont à  hurler. Comment comprendre l’évolution de la BD franco-belge depuis un demi-siècle en contournant Goscinny et Gotlib ? Trop mainstream ? Trop évident ? Il faut vraiment que ce soit un acte volontaire de les avoir mis de côté. Les grandes séries, qui ont été séminales pour des génération d’auteurs français contemporains méritaient une place : pas de Lucky Luke, ni d’Asterix, certes, mais pas de Schtroumpfs, ni de Tuniques bleues… Vraiment… On s’étonnera aussi de l’absence de L’institution de Binet : chef d’oeuvre précurseur et méconnu de la BD autobiographique, qui ne dépareillerait pas aujourd’hui au sein des meilleures publications de l’Association. Et dans la BD d’avant-garde (si tant est que ce terme ait un sens), je rejoins ce qui a été dit plus haut : l’absence du palmarès d’Edmond Baudoin est injustifiable.
    Bon, ça pour les français : comme ie remarque Barz, la plupart des BD françaises sélectionnées ont été publiées ces dix dernières années.
    En revanche, pour les auteurs américains, c’est l’inverse et là , c’est franchement incompréhensible. A moins de conclure à  une méconnaissance des comics américains contemporains. Ce qui expliquerait que l’on retrouve les classiques fondateurs (en mettant les anthologies fondatrices des superhéros américains – ils ne pouvaient pas se tromper, et cela donne le change pour faire croire à  la diversité) mais rien de la modernité. On aurait aimé un coup de projecteur sur des auteurs comme Kurt Busiek (l’époustouflant « Identité secrète »), Brian Bendis ou encore Mark Millar (pour « Red Son », récit uchronique où Superman serait né en URSS sous Staline). Si Alan Moore est présent presque anecdotiquement à  je ne sais quelle place avec From Hell, l’absence de « Watchmen », chef d’oeuvre incontournable, est également incompréhensible. De même l’absence de Neil Gaiman, dont la série Sandman est peut-être une des oeuvres les plus imposantes des années 90, ne peut s’expliquer que par une ignorance.
    Et puis dans un autre registre, on peut aussi s’étonner de l’absence de Carl Barks, le grand créateur de chez Disney (l’univers Donald-Donaldville, c’est lui), dont les dessins comme le sens de l’aventure a considérablement influencé… à  commencer par Lewis Trondheim, qui reconnait à  son égard une dette énorme.
    Et puis, Howard Cruse pour « Un monde de difference » et puis.. et puis…

    On aimerait penser que le choix de ces 100 indispensables est le résultat d’un casse-tête douloureux. Hélas, cette couverture qui déclare bêtement « les meilleures bd de tous les temps » n’incite pas à  l’indulgence. Et sape l’objectif même de ce supplément : faire comprendre que la BD est un art à  part entière, aussi riche que le cinéma ou la littérature. Franchement, un supplément qui aurait pour titre « les 100 meilleurs romans de tous les temps », ce serait grotesque, non ?

  2. Une impression de « Je viens de découvrir la bande dessinée mais je suis déjà  un expert alors je vous fait ma sélection » me laisse perplexe face à  cette liste. Je ne remet pas en cause les comptétences de Joseph Ghosn néanmoins nombre d’auteurs que j’apprécie sont présents mais ce sont souvents leurs ouvrages les plus récents qui sont proposés et pourtant pas les plus représentatifs. Je pense par exemple à  Joe Matt dont le « Epuisé » est loin de d’atteindre les qualités des précédents extraits de son « Peep Show ». Un sérieux manque de de recul donc qui dévoile le coté opportuniste du projet : « Nous sommes en janvier, faudrait bien parler de BD, tiens Joseph si tu nous pondais un hors série pour une parution dans 2 semaines… »

  3. L’objet n’était pas ici de critiquer les choix des inrocks. Comme tout classement c’est très subjectif. Ici c’est très clairement la veine alternative et avant gardiste qui se détache, même si certains ouvrages très mainstream sont dans le haut du classement.
    Pour autant il ne sont qu’une dizaine sur cent, là  où de très nombreux « graphic novel » américains occupent les premières places.

  4. Se dégage-t-il une certaine tendance dans les choix ? J’entends une préférence pour tel ou tel genre graphique, scénaristique, bd franco-belge plus que nord-américaine, etc…
    Une critique un peu plus approfondie de la critique (désigner 100 oeuvres n’est-ce pas émettre une critique) aurait été intéressante.
    Mais peut-être préfériez-vous me conseiller de lire ce numéro spécial ce que je ne suis pas certain de faire 🙂

  5. Tout à  fait. De toute façon le magazine est très intéressant. Faut y mettre la thune par contre…

    Mais comme tu dis, sans le côté pompeux de « meilleurs BD de tous les temps » ça passerait vachement mieux. Genre « la sélection des inrocks ». Ou mieux : « Joseph Ghosn présente ses 100 coups de coeur ».

    kr kr kr 😀

  6. La grandiloquence de l’annonce dans les inrocks (l’hebdo) avait de quoi rester sceptique : « Le Top 100 des meilleures BD de tous les temps ».
    Au lieu de classement, de « top », il aurait été plus à  propos de parler de « sélection ».
    Bien entendu, 90% des livres présents dans ce top sont indiscutablement bons à  lire et relire. Mais les trois quarts sont sortis après l’an 2000…

    Et il manque forcément certains auteurs indispensables, Gotlib par exemple, ou Baudoin, Lax, Baru, et tant d’autres…

    Bref, à  prendre avec des pincettes.

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