C’est à n’y rien comprendre ! Depuis quelque temps, Sarah rêve de méduses volantes et d’une serre enchâssée dans un arbre immense. Déjà bizarre, le songe le devient encore plus lorsque la jeune fille découvre une vieille photo de sa maman, prise devant le même ficus géant. Comment expliquer cette coïncidence ? Serait-elle liée au passé mystérieux de la mère de famille ? Une enquête parfaite pour le Club des Trois Frangines !
Trois sœurs aux caractères différents – Sarah est autoritaire, Cassiopée plutôt rêveuse, Lucille obsédée par les chats – charpentent cette chronique familiale pleine d’affection, de bonne humeur, mais aussi d’incompréhensions virant parfois aux confrontations tempétueuses. C’est qu’il y a beaucoup de vie dans ce premier tome où l’on apprend à faire la connaissance de ces frangines élevées par une mère célibataire, et dont l’entourage est essentiellement féminin – côté garçon, on ne croise pour l’instant que Yubei, le chat préféré de Lucille, et Ulysse et ses copains, des camarades de classe de Cassiopée. Chaque tome devrait se concentrer sur un membre de la maisonnée. L’occasion de se frotter chaque fois à un secret de famille différent.

Côté dessin, Alessandro Barbucci compose des planches aux ambiances oniriques et chaleureuses, que ce soit par les décors exotiques du Jardin botanique, ou les méduses volantes des rêves de Sarah (avec leurs gros yeux mignons, les bestioles n’ont pas grand-chose à voir avec les horreurs gélatineuses échouées en bord de mer). Même les scènes nocturnes sous la pluie ont un côté convivial, grâce aux jeux de lumière et d’éclairage particulièrement soignés.

Les auteurs profitent d’ailleurs des planches lumineuses et de l’entrain des personnages pour aborder des sujets complexes, matérialiser des incompréhensions et poser d’une jolie manière une question délicate : connaît-on vraiment ses proches ? Sans rien de surnaturel, contrairement à ce que les rêves de Sarah peuvent faire croire, ce premier tome confronte les enfants à un douloureux secret de famille, avec beaucoup de tact et de bienveillance.

Plus discutable, le dessinateur choisit des cases rectangulaires pour mettre en scène le monde réel, et préfère des formes ovoïdes pour les rêveries de Sarah. Très graphique, ce parti-pris permet de ne pas confondre rêve et réalité, sauf dans le grenier, où l’auteur abandonne sans raison les rectangles, au risque de brouiller la lecture de cette scène.

En signant quatre tomes de Sky Doll en seize ans, Alessandro Barbucci est passé pour un artiste paresseux aux yeux de certains. Depuis, le dessinateur italien a rabattu le caquet des mauvaises langues, tombant neuf tomes d’Ekhචmonde miroir en à peine six ans. Le lancement de cette nouvelle série jeunesse (dont il signe aussi la mise en couleurs) ne devrait pas beaucoup ralentir l’auteur, puisqu’Ekhචmonde miroir #10 est prévu en novembre, et Sœur Grémillet #2, Les Amours de Cassiopée, l’année prochaine.
P.G.

Les Sœurs Grémillet #1,
Le Rêve de Sarah,
Alessandro Barbucci, Giovanni Di Gregorio
Dupuis,
70 pages, 13,95 €, 15 juin 2020.
Images é Dupuis, Barbucci, Di Gregorio.