Niourk #2/3, la leçon de dessin d’Olivier Vatine

Une tribu d’Hommes façon Néandertal, un gamin noir à  dos d’ours cherchant de quoi subvenir à  ses besoins… non, Niourk ne dépeint pas le passé de l’humanité, mais son futur post-cataclysmique, où il ne reste plus que des ruines de la civilisation, et où les océans sont peuplés de poulpes géants, nouveaux seigneurs de la planète.
Niourk T2 couv
Une série en trois tomes

« J’aime de Stefan Wul ses mondes géniaux, ses scénarios surprenants. Il écrit au fil de la plume, c’est descriptif, toujours au service du récit, sans gras. Ce sont des bouquins de sensations, assez courts, Fleuve noir oblige. On l’imagine se disant “Aïe, j’en suis déjà  là  ; il faut que je termine !, et torchant ses fins pour retomber sur ses pattes. Courts, mais denses. Sans tirer à  la ligne. » Quand Olivier Vatine revenait sur son rapport à  l’œuvre de Wul, dans Casemate 52, le cocréateur d’Aquablue était on ne peut plus sincère, livrant une adaptation de Niourk resserrée, jouant sur les ellipses et les compositions très épurées, où chaque trait a son importance. Ainsi, il n’est pas rare d’avoir le souffle coupé devant des planches d’une simplicité patente, genre quatre strips sans arrière-plan avec deux personnages, mais aux cadrages et découpages d’une précision affolante.

D’une façon aussi éloquente que cruelle, la narration d’Olivier Vatine parvient, avec une économie de dessin, à  insuffler un souffle épique comparable à  celui généré par Alex Alice sur Siegfried, œuvre magistrale aux planches pourtant bien plus denses et travaillées. Rarement un bouquin n’aura dégagé une telle puissance malgré sa relative pingrerie visuelle, ponctué de cinq illustrations pleine page pour ouvrir chaque chapitre, toutes muettes et pourtant riches de sens. Pas mieux côté couleur, puisque l’auteur privilégie quelques dominantes et ne s’embarrasse pas souvent de dégradés, plaquant des aplats ici ou là , pour un résultat des plus dépaysants, même si certaines gammes sont un poil fades. De quoi écœurer nombre d’artistes noircissant leurs planches à  s’en péter la santé.

Pour ne rien gâcher, Vatine met son savoir-faire au service d’une des meilleures histoires du romancier Stefan Wul, celle d’une humanité revenue à  un état primitif, errant au milieu des ruines radioactives de sa gloire passée. Très sombre, l’album met en scène « l’enfant noir » et son ours, gamin conduisant sa tribu vers les ruines de Niourk – New York – dans l’espoir d’y trouver les ressources nécessaires à  leur survie. Ensemble, ils fuient des poulpes géants dégueulasses que n’aurait pas reniés H.P. Lovecraft. Le môme, lui, n’a plus rien de candide, surtout depuis le premier tome où il a dévoré la cervelle d’un vieil homme, convaincu que le rituel lui donnerait la sagesse et la force du vieillard. Glaçant. Pourtant, on lui découvre une âme d’enfant au moment de fuir les robots-sentinelles de New York, rares vestiges de la civilisation humaine, prisonniers de leurs programmes informatiques pour l’éternité. D’une efficacité à  toute épreuve.

Niourk #2/3, La Ville, Olivier Vatine, Ankama, 13,90 euros, 24 octobre 2013.

é Ankama, Vatine.