MILLER a poussé les limites du COMICS CODE avec DAREDEVIL et, à l’époque, il avait à peine 23 ans. Il a brisé et reconstruit un personnage de second ordre dans l’univers MARVEL pour en faire un héros incontournable. Pourquoi ? MILLER faisait du POLAR.
MILLER a toujours fait et a toujours voulu faire du POLAR. Il avait proposé une première version de SIN CITY à 19 ans dès qu’il était arrivé à NEW YORK. Sans succès… MILLER voit son monde en NOIR & BLANC. Jamais il n’a imprimé un seul dessin en couleur de sa main. C’est assez rare pour être souligné.
Lire la troisième partie de l’oktoberfest Miller.
Part THREE • Frank Miller avant tout le monde…
4– FRANK NO LIMIT
Les plus grands artistes du monde ont ceci en commun qu’ils sont curieux, courageux et cleptomanes. PICASSO n’emprunte pas il VOLE. Et MILLER a volé aux meilleurs. ELEKTRA est la première création de MILLER dans son premier scénario de DAREDEVIL. Cet épisode est plus ou moins la transposition exacte de la première apparition de SAND SAREF, la copine du SPIRIT de WILL EISNER. MILLER partage à NEW YORK un superbe studio avec WALTER SIMONSON et HOWARD CHAYKIN. CHAYKIN aura une grande influence sur MILLER, l’utilisation des écrans de TV dans le DARK KNIGHT est inspirée d’AMERICAN FLAGG. MILLER a purifié, simplifié le travail expérimental de CHAYKIN.
MILLER est le PARATONERRE de son époque, il dévore des BD européennes (GIRAUD, GILLON… on voit CARMEN CRU dans ELEKTRA LIVES AGAIN !!!) et découvre les MANGAS en VO, au début des années 80, avant que cela soit à la mode ou une habitude de 40Â % du lectorat.
MILLER lit LONE WOLF and CUB et tout bascule dans sa tête.
Le rythme, la narration, l’ambition, tout devient possible, mais pas chez MARVEL. Impossible de faire DU LEONE en BD dans 22 pages mal imprimées avec des pubs pour des vélos BMX et des dessins animés de BISOUNOURS.
MILLER rêve de GRAPHIC NOVEL de 150 pages noir & blanc… un peu comme LE CONTRAT ou LE PACTE AVEC DIEU d’EISNER, dont personne n’avait rien à foutre à l’époque…Son vieux pote scénariste DENNIS O’NEIL est devenu éditeur de BATMAN chez DC COMICS. MILLER prépare en secret RONIN. Il laisse son ami et encreur KLAUS JANSON s’amuser avec DAREDEVIL après la mort d’ELEKTRA et il lui bosse sur RONIN.
Il signe chez DC un contrat inouï pour l’époque. 6 comics de 48 pages (qui est devenu le format des beaux comics), sur un papier classe, PAS DE PUB, dos carré. Mais ce qui fera la différence, c’est que MILLER sera son propre éditeur sur le projet. Même JACK KIRBY n’avait pas eu cela !!!
RONIN sera comme DOMU d’OTOMO, le petit chef-d’œuvre avant le succès. RONIN accouchera du MILLER moderne. Le premier épisode dessiné en même temps que DAREDEVIL est du bon comics, sans plus. Les références historiques sont à mourir de rire. Comme sa danseuse du ventre à moitié à poil au Japon (!) ou le château du méchant démon AGAT qui ressemble à celui de SKELETOR. L’énergie est là , mais le trait reste gras. Il s’encre tout seul cette fois.
Dès le second épisode, tout est en place. MILLER bosse à plein temps sur le projet, il a avalé LONE WOLF and CUB, le trait est fin, élégant, on dirait presque du MÅ’BIUS avec ces petits traits qu’il fout sur les visages.
La narration est un modèle du genre.
Deux persos principaux, le RONIN et CASEY qui le chasse.
RONIN est dans une mise en page de 5 cases horizontales (qui sont devenu le nouveau gaufrier du COMICS), tandis que CASEY (une femme noire déjà , en 1983) est sur 6 cases carrées. Le rythme est sublime. L’utilisation des doubles pages est impressionnante. Une nouvelle façon de voir le COMICS se révèle sous nos yeux. À chaque lecture, on attrape un nouveau détail, une subtilité qui nous avait échappés.
LYNN VARLEY fait les couleurs et elle n’utilise pas la gamme DC COMICS COLORSé.
MILLER assombrit de plus en plus ses planches, jusqu’à arriver à cette fameuse double page à 90Â % noire. Problème, c’est impossible à imprimer. FRANK et LYNN qui supervisent toutes les étapes de création sont chez l’imprimeur.
Le gars trouve la solution, une cinquième couleur. MILLER l’artiste demande à FRANK l’éditeur, ils sont d’accord. Roulez. On se croirait à l’époque du FUTUROPOLIS de ÉTIENNE ROBIAL où le travail de fabrication et d’impression était un travail d’orfèvre.
Dans RONIN, Miller mettra au point toute sa grammaire graphique et va créer sans le savoir la mise en page de BASE des COMICS MODERNES. Depuis quelques années, chez MARVEL les pages ont 5 images horizontales. Cela donne une impression de cinémascope et les cadrages, autant ceux des persos que des décors, gagnent en noblesse et en lisibilité.
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