T FOR TROUBADOUR 18 – Les BD de D’Jeuns

1989, j’erre dans les rayons remplis de BD sous plastique de mon dealer de comics à  la recherche du recueil du DARK KNIGHT. J’avais loupé un épisode et je voulais savoir comment BATMAN avait vénère SUPERMAN au point qu’ils se mettent sur la gueule.

Mais nan, ils l’avaient pas. Je mate, le coin indé avec l’air du chasseur qui sort de la forêt sans avoir tiré un coup. Je fouille histoire de voir si  je pouvais prendre un truc à  lire n’importe quoi à  lire dans le métro… Et BOOM. +++ Lire la suite !

Je vois au milieu d’un pile de couvertures dessinées par des mecs atteints de la maladie de Parkinson, un comic bizarre… mais dans le bon sens du terme. « EIGHTBALL n°1« Â  (musique de harpe, trompette, etc… lumière qui vient d’en haut). J’ouvre, BOOM, la première page me scotche (et encore aujourd’hui!), je découvre un AUTEURé, un vrai. Je suis direct accro et j’entre ainsi dans le territoire des rebelles de DJEUNS en colère.

Mmmmh… comme il est bon de découvrir un nouvel auteur, cela vous donne encore confiance dans un média qui a la fâcheuse tendance à  pratiquer l’auto-fellation, souvent avec succès. CLOWES me fascine.Je n’aimais pas vraiment ces histoires au début (DAVID LYNCH n’était pas encore entré dans ma vie…) mais je ne pouvais pas me détourner de ses planches. Il aime suffisamment les femmes pour avoir appris à  les dessiner correctement, je vous parle de VRAIES FEMMES, hein Pas des courges en collant qui ont les nichons sous les aisselles. Il leur donne aussi assez souvent la parole dans ses histoires et ça c’est nouveau… à  l’époque.

Ensuite, mais malheureusement bien plus tard, le second choc sera CHRIS WARE (musique d’orgue, banjo, etc… lumière qui vient d’en haut). Je mentirais si je n’avouais pas direct que le format de ses comics m’attira avant même que je me perde dans ses planches. CHRIS WARE est purement la preuve que tout est possible et que le graphisme en BD n’en est qu’à  ses premiers pas… de MATERNELLE. Les COUVERTURES des BD ne servent pas l’histoire… elles servent à  faire vendre et c’est tout. MOORE dans THE WATCHMEN commence son histoire sur la couverture qui de facto est la première case. Donc quand DELCOURT édite la première intégrale (merci guy) et vire les couvs (oooh !), il passe juste à  côté du sujet. C’est pas sa faute, la mode des bonus DVD n’est arrivée que bien après. CHRIS WARE, je ne vous ferai pas l’affront de vous dire ce qu’il a fait.

Et le petit jeunot, à  l’époque, PAUL POPE dessine plutôt moyen, scénarise pas mal, mais il a la niaque, ça se voit. Il a 10/10 aux deux YEUX et quand il voit qu’il ne pourra jamais être édité en l’état, il s’auto-produit. Le résultat : THB. Il nous envoie une revue grand format (merci Mr WARE) épaisse et cinglée et il se lâche dedans. Et ça théorise. Et ça invite MOEBIUS. Et ça parle tout le temps de tout. De rien. Et surtout ça balance des planches du tonnerre. On sentait que le gars en voulait et que dès qu’il aurait UNE BONNE HISTOIRE, il allait foncer au top, plus vite que COCO arrive dans son bureau à  LA DÉFENSE. Ce fut le cas avec ESCAPO. Tout ce qu’il a appris durant son voyage initiatique japonais est mis en pratique ici. Comic, Manga et BD au service d’une histoire. Il a mis le temps mais il y est arrivé. Il n’a pas volé son surnom (auto proclamé) de COMICS DESTROYER.

Ce ne fut pas le cas de CLOWES. Milieu des années 80, FANTAGRAPHICS reçoit les planches d’un petit jeune tout droit sorti de l’école d’art. Tout auréolé du succès de LOVE & ROCKETS, FANTA pétille de joie et signe le petit gars direct. Sa série LLYOD LLEWELLYN démarre correctement. CLOWES est un homme moderne. Nostalgique, obsessionnel, détestant tout le monde, il préfigure l’artiste moderne qui s’allongera sur des centaines de pages à  raconter sa vie top top banale.

Le seul HIC, c’est que CLOWES sait dessiner. Il se la donne un peu sur LLYOD LLEWELLYN, puis risquant d’être enfermé dans cet univers qui sue la musique suave et sent bon l’eau de Cologne, il s’attaque à  un autre projet. EIGHTBALL, c’est à  dire 10 projets en même temps. On y voit PUSSEY (le portrait le plus réaliste d’un dessinateur de BD jamais vu) et GHOST WORLD où pour la première fois depuis très très longtemps à  l’époque on a l’impression de voir vivre sous nos yeux de vraies personnes.
Pas des personnages. Des gens. ENID, je la connais, je l’ai rencontré, elle existe.

Le reste est de l’Histoire. Et parfois aussi du Cinéma. Voir ENID sur grand écran était normal. On adapte bien des romans, non ? CLOWES participe aussi à  un petit film très sympa « ART SCHOOL CONFIDENTIAL » (à  2,99€ en solde partout) qui est l’adaptation d’une de ses premières histoires courtes (EIGHTBALL 7 / et ici chez CORNELIUS). CLOWES développe son univers, on sentait bien qu’il en avait encore gros sur la patate.

CLOWES vient de sortir WILSON. Il le décrit comme son livre le plus LOURD. « On a cherché le carton le plus épais possible pour la couverture. Pour qu’on le prenne et qu’on se dise WAOU c’est du costaud. Je suis un livre balèze. Je peux me prendre une balle dans le buffet, je suis lourd, vis avec. » CLOWES est le chaînon manquant entre CRUMB et CHRIS WARE.
Les 3 C, les rois du panthéon des dieux des indés, tous commençant par un « C »,  avec les frères CHERNANDEZ et Will CEISNER, Dave CIM et David CUZZUCCHELI.

LLYOD LLEWELLYN vient de sortir dans une version intégrale luxueuse, il est temps de se payer un morceau de légende.

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T for TROUBADOUR commence là  où WART s’arrête…
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Les autre BD de D’JEUNS.
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> DEN, CORBEN (Humanos)
> FRANKENSTEIN, WRIGHTSON (Soleil)
> SLAINE, BISLEY & MILLS (Zenda)
> BATMAN : EGO, DARWYN COOKE (Panini)
> RONIN, MILLER (Panini)
> JOHNNY STACCATO, BLUCH (Fluide Glacial)

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