Imaginez un monde dans lequel King Kong aurait mis la dérouillée du siècle aux Américains en 1933. Un monde où Manhattan, désormais repaire du gros singe, serait devenue une zone interdite, remplie d’une flore démente et d’une faune qui l’est au moins autant. C’est en s’inspirant d’un de ses rêves qu’Éric Hérenguel a imaginé The Kong Crew.
“Cette BD est une madeleine de Proust, une anthologie de tout ce que j’aime et un clin d’œil à l’iconographie de la bande dessinée américaine classique, Al Williamson, Will Eisner, Wallace Wood, Frank Frazetta, Mark Schultz, Dave Stevens…, explique Hérenguel dans Casemate n°129. Pas étonnant que ce premier tome mettant en scène Virgil, héros plus à l’aise avec les avions qu’avec les filles, profite à fond d’une patine vintage, en hommage aux années 40. D’abord avec une exploration des égouts new-yorkais par un vieux prof et un journaliste aventurier, ensuite par des combats aériens entre vieux coucous et ptérodactyles, et bien sûr par l’irruption de nanas aux physiques plutôt flatteurs.
N’allez pas croire que ces dames sont juste là pour flatter le regard, puisque contrairement aux pin-up que l’on pouvait croiser dans la bande dessinée des années 40, les personnages féminins de The Kong Crew n’ont rien de potiches ingénues. À commencer par l’infirmière Betty ou les redoutables amazones, des orphelines livrées à elles-mêmes depuis une quinzaine d’années dans ce qui reste du Metropolitan Museum de New York. En mettant la main sur Virgil, tout juste crashé dans Manhattan Jungle, on devine que ces dames comptent faire un usage assez pragmatique du jeune homme…
On ne donne d’ailleurs pas cher de la peau du personnage sans l’aide de son fidèle Spit, teckel au moins aussi débrouillard que ce bon vieux Milou, en plus d’autoriser tout un tas de facéties, notamment graphiques. Le toutou, inspiré de celui qu’avait l’auteur dans sa jeunesse, contribue à donner du pep à cette aventure prévue en trois tomes, dont ce premier épisode nous laisse sur beaucoup de questions sans réponses.
Comment la presqu’île de Manhattan a-t-elle pu se transformer en jungle en l’espace de quinze ans ? Comment les dinosaures sont-ils apparus dans le sillage de Kong ? Pourquoi certaines bestioles semblent-elles encore plus monstrueuses encore ? Hérenguel promet de livrer toutes les explications au fil de son histoire, dans laquelle plane constamment l’ombre de Kong, omniprésent au cœur des échanges, mais très discret sur les planches. Gonflé, mais grisant.
P.G.
The Kong Crew #1/3,
Manhattan Jungle,
Éric Hérenguel,
Ankama,
72 pages,
15,90 €,
4 octobre 2019.
Images é Ankama, Hérenguel.