À la fin du premier long-métrage Thor, le superhéros nordique était coupé de la jolie Jane Foster après la destruction du Bifrà¶st. Dans Avengers, on l’a vu filer un coup de main aux humains sans prendre le temps de passer voir la belle. Cette fois, c’est la bonne, le duo se réforme face à une menace ancestrale, les Elfes Noirs, résolus à récupérer l’Éther pour plonger les neuf mondes dans les ténèbres.
Cet avis révèle des éléments mineurs de l’intrigue.
[dropcap size=dropcap-big]L[/dropcap]e mieux, pour expliquer Thor, est de causer pâtisserie. Le premier opus, réalisé par Kenneth Branagh, avait tout du Saint-Honoré, classique, ronflant, un poil clinquant, mais finalement très construit, propre et cohérent. Thor – Le Monde des ténèbres lorgne davantage sur le mille-feuille indigeste qu’on aurait augmenté d’une couche de chantilly en plus d’y coller des bonbons décoratifs et multicolores, tant le film d’Alan Taylor s’éparpille, explore un tas de directions sans assumer ses choix jusqu’au bout.
Pour tout dire, la menace elfique, obsédée par l’Éther et les ténèbres, ne semble servir que de liant à une succession de saynètes aux tons, décors et ambiances diverses, qui empruntent parfois à Star Wars Episode III, à Pirate des Caraïbes ou encore au Seigneur des Anneaux, voire les trois en même temps. Transparaît alors à l’écran un sentiment de brouillon, avec une direction artistique mêlant des choix radicaux et forts – les vaisseaux elfes sont franchement convaincants – à d’autres dont le kitch ferait presque passer le premier long-métrage pour un modèle de sobriété.
D’abord visuel, ce sentiment de fourre-tout gagne le scénario, avec de nombreuses thématiques abordées puis collées au rebu. Comme le triangle amoureux Jane-Thor-Sif évaporé en cours de film, donnant l’impression d’un pan à peine esquissé. Ces bizarreries de montage sont-elles à mettre au compte d’une production vaudevillesque, pas loin d’être cauchemardesque ? Possible, mais ça n’explique pas le manque de cohérence par rapport au premier volet. Là où Odin était sage, avisé, avec un plan pour toute chose, on le retrouve impétueux, acculé et va-t-en-guerre. Ce qui lui arrive en cours de métrage n’explique pas tout, pas plus que la soudaine surpuissance d’un de ses proches, facilement défait dans le premier film.
À trop vouloir en faire, à multiplier les clins d’oeil, les bons mots, les voyages dans divers mondes, le foisonnement et la densité de l’œuvre ne donnent pas un sentiment de richesse ou de générosité, mais plus d’œuvre confuse, au rythme inconstant, si bien qu’il est difficile de résumer le film à chaud, si ce n’est en sortant cette histoire d’elfes noirs portés par un leader falot. À la limite de l’invraisemblable, la menace sert de fil rouge et génère les scènes les plus cocasses du film, à commencer par la découverte bien trop opportune par Jane de l’Éther, tout comme sa providentielle rencontre avec un portail en fin de film, maquillée tant bien que mal par une couche d’humour bien relou.
Malgré la déception, Thor 2 offre des moments de grâce, comme une bataille finale aussi ingénieuse qu’impressionnante, sans compter un Loki divin, plus retors et ambigu que jamais, adepte qu’il est des coups à dix bandes. C’est simple, toutes ses scènes sont jubilatoires, et c’est sans doute le seul personnage au jeu et à la psychologie constante dans tous les épisodes. Reste qu’après un film accompli et impeccable comme Avengers, impossible de pardonner les facilités, faiblesses et imprécisions des longs-métrages de la phase 2 de films Marvel. Le blockbuster de luxe signé Joss Whedon a tout changé pour les superhéros de la Maison des Idées, les confrontant à la menace la plus solide depuis le début de leurs aventures, mais a aussi tout changé pour nous autres spectateurs, moins prompts à pardonner les coups de mou.
Thor – Le Monde des ténèbres, de Alan Taylor, avec Chris Hemsworth, Natalie Portman, Tom Hiddleston… 1 h 52, en salle le 30 octobre 2013.