Voir Rome et mourir

Pour Noël dernier, la série événement coproduite par les chaînes HBO, BBC et RAI est sortie en un superbe coffret DVD rassemblant les 12 épisodes de la première saison. À l’heure où la seconde est en cours de diffusion outre-Atlantique, un coup de projecteur s’impose sur ce phénomène à  ne pas rater.

Tout d’abord, le sujet qui est abordé est universel et intemporel. La première saison retrace l’histoire du célèbre Caius Julius Caesar depuis sa victoire en Gaule jusqu’à  sa mort. L’Empire romain est alors à  son apogée. Nous voilà  donc plongés durant une douzaine d’heures dans la vie quotidienne de l’époque, qui ne manque jamais de fasciner et de raviver nos imaginaires. Tous les grands noms historiques sont présents, Pompée, Marc-Antoine, Octave, à  la manière des péplums de jadis, mais avec le traitement d’un Gladiator ou d’un Troie. De fait, la série jouit d’une production titanesque, avec des figurants à  ne plus savoir qu’en faire, une Rome antique ressuscitée à  la perfection, en accord avec les dernières conclusions archéologiques, des costumes criant de vérité, etc. Tout dans la série a été sujet à  un examen poussé, de la décoration des maisons, avec fresques murales, aux rites religieux plus ou moins officiels (un livret bien utile sur ce point est fourni dans le coffret DVD), en passant par les faits historiques.

Il ne faut pas oublier que l’atout principal de cette série est malgré tout son sujet : le triomphe de César avec ses lauriers, Cléopâtre, la trahison de Brutus… Paradoxalement, jamais série télévisée n’eut scénario plus éventé et connu à  l’avance, d’autant que les auteurs, tout comme les décorateurs, se sont appliqués pour coller à  l’Histoire. Bien que les situations et rouages politiques soient simplifiés, les caractères des personnages (l’ambitieux César, Cicéron en perpétuel indécis, etc.) sont fidèlement rendus. Pas d’anachronismes grossiers ni de fantasmes populaires, pas d’orgies dispendieuses ou de jeux du cirque à  la Robert Hossein, cette cité romaine est juste crédible, réaliste, et ce à  tous les niveaux.

Les auteurs ont eu l’intelligence de faire intervenir dans l’histoire, sur le même plan d’importance, deux héros, deux inconnus, issus de classes sociales différenciées : Titus Pullo le légionnaire et Lucius Vorenus le citoyen. Ces personnages ont un double intérêt. Premièrement, ils permettent d’apporter une histoire inédite au spectateur, ajoutant du suspens là  où il en manque parfois, faute de conformation à  la réalité. D’autre part, leurs aventures présentent, de manière indirecte, le quotidien des Romains du peuple, leurs relations aux esclaves, à  la guerre, à  la politique, etc.

Inutile de cacher l’engouement qui fut le nôtre lors du visionnage des épisodes parus en France. Tout dans cette série est bon, à  plus forte raison que les personnages sont tous, sans exception, magistralement incarnés par des acteurs, peu connus, qui s’imprègnent littéralement de leurs rôles pour s’imposer comme tel. Et qu’importe si César était chauve, celui-ci est bien plus réussi !

En conclusion, on s’interrogera simplement sur la légitimité de la saison 2. Axée, d’une part sur le conflit de succession entre Marc-Antoine et Octave (période de l’Antiquité définitivement moins émouvante que la précédente), et d’autre part sur Lucius Vorenus et ses histoires de linge sale (d’un intérêt relativement nul), cette nouvelle saison souffre finalement, en dépit de son très bon niveau général, d’une grande sœur bien trop encombrante…

Bill Razor